7 000 familles françaises sont endeuillées le 22 août 1914, François et Madeleine Langlais souffrent de leur ignorance : personne ne peut certifier la mort de Georges. Est-il blessé ? Prisonnier ? Les années passent, sans signe de vie. Le tribunal de Domfront officialise la vérité le 02 juillet 1920 : Georges Langlais a été tué à l’ennemi, fait partie des 787 « morts pour la France » du canton de Flers.
Vient alors le temps de l’hommage. Stupeur. En avril 1922, son nom n’apparaît pas sur le monument aux morts de Saint-Georges-des-Groseillers, où son acte de décès a été transcrit, où vivent ses parents. L’année suivante, il est bien inscrit sur la stèle de la ville de Flers, au milieu de 518 soldats, pas tous « morts pour la France ». L’Histoire se mêle à la mémoire, au passé oublieux : Georges Langlais est ajouté sur l’obélisque de Saint-Georges-des-Groseillers en 2011.
A l’heure où la Première Guerre mondiale réinvestit l’espace public avec une force insoupçonnée, le Pays Bas-normand a souhaité mener une étude en trois temps et en trois lieux, dont le parcours militaire de Georges Langlais se veut une illustration de l’unité. Profitant d’un accès large aux sources jusque là confidentielles, Yann Rondeau et Jean-Christophe Ruppé proposent une trilogie d’articles sur :
* le champ de la statistique : à travers l’exemple des « morts pour la France » du canton bocain de Flers, se dessine une esquisse des versants les plus violents de la guerre, mais aussi de son impact sur la démographie et l’économie d’un territoire modeste, prisonnier ou relais d’un jeu d’échelles allant de la plus modeste localité aux aspects les plus mondiaux du conflit.
* le champ de la bataille : les combats autour d’Ethe le 22 août 1914 brossent le portrait de ce que fut une unité mi-provinciale mi-parisienne, le 104e RI, dont la confrontation inattendue avec l’armée allemande a fait entrer l’Orne dans le XXe siècle et marquer considérablement sa mémoire collective. Ethe, dénominateur commun d’une histoire-bataille, d’une histoire sociale, d’une histoire des mentalités.
* le champ de la commémoration communale : après la guerre, honneur aux victimes. Dans les années 1920, le pays et les villages souhaitent honorer les disparus, le Parlement légifère, les communautés locales unissent leurs économies, les sculpteurs érigent des monuments, pour les vivants ou pour les morts ?